Top 5 des raisons pour lesquelles le droit du travail est réputé compliqué

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Après le droit pénal dont la médiatisation des affaires se développe à mesure que les faits divers viennent heurter, de manière toujours aussi frontale, les sensibilités, le droit du travail apparaît en deuxième position de l’actualité juridique et judiciaire.

C’est que la question de la perte d’un emploi, ou celle des conditions dans lesquelles cet emploi s’exerce, est source de nombreuses inquiétudes dans la population, qui ne peut y rester insensible.

Ces dernières années ont été marquées par une actualité assez fournie en droit du travail :  création de la rupture conventionnelle, aménagement des critères de la représentativité syndicale, renforcement de l’obligation de sécurité de l’employeur, développement du détachement transnational des travailleurs, encadrement du droit de grève, barémisation des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse...

Si l’actualisation du droit du travail inspire, son public insuffle dans le même temps le sentiment que ce droit est compliqué.

Pour s’en convaincre, il suffit de constater que, si la procédure prud’homale ne nécessite pas obligatoirement la présence d’un avocat, les salariés et employeurs seront (presque) toujours assistés ou représentés par un avocat devant le Conseil de prud’hommes.

Quelles sont les principales raisons pour lesquelles le droit du travail a la réputation d’être compliqué ?

Raison n° 5 : Le droit du travail est un droit du calcul

Calcul de la rémunération brute moyenne mensuelle, calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, calcul des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, calcul des heures supplémentaires, calcul des primes, calcul des rappels de salaire, calcul du préavis, calcul des congés payés, calcul des congés payés sur préavis….

A tout cela s’ajoutent le prorata temporis, les pourcentages variables en fonction du temps de présence, la considération de la taille de l’entreprise, de l’ancienneté, de la convention collective applicable…

Ces calculs entraînent bien souvent des résultats divergents selon qu’ils émanent du salarié ou de l’employeur. 

Cette divergence d’interprétation ayant pour fondement le croisement des règles de calcul aux règles de droit permet de développer davantage la complexité qui est profondément attachée au droit du travail.

Raison n° 4 : Le droit du travail est en constante actualisation et mutation

L’actualisation du droit du travail est d’autant plus constante et importante qu’elle s’effectue tant par le législateur et les tribunaux, que par les partenaires sociaux, l’employeur, ou encore les parties au contrat de travail.

Par exemple, la nouvelle numérotation du code du travail introduite en 2008 a permis d’apposer une complexité formelle à la complexité textuelle. De plus, les réformes récentes du droit du travail ont diminué sensiblement le délai de prescription de l’action prud’homale, tout en encadrant de manière schématique les indemnités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le droit du travail nécessite donc une mise à jour permanente en ce que, presque du jour au lendemain, l’un des créateurs de ce droit peut défaire ce que l’autre à créer.

C’est ainsi que la course à la jurisprudence la plus récente, la dernière loi, le dernier accord collectif est prégnante, mais elle ne doit pas se confondre avec l’éviction des dispositions transitoires qui sont censées encadrer le passage entre ces différents régimes, et qui ajoutent à la complexité préexistante.

Raison n° 3 : Le droit du travail est au cœur de l’enchevêtrement de différentes sources de droit

Le droit du travail est la résultante du croisement entre différentes sources de droit : le droit légiféré, le droit conventionnel, le droit prétorien, le droit négocié, le droit de l’entreprise, le droit du contrat…

Si l’ordre public social permet d’appréhender la primauté de l’un sur l’autre, il n’est pas suffisant à résorber l’intégralité des problématiques afférentes à la théorie des sources en droit du travail.

Comment peut-on expliquer que le droit résultant du consentement mutuel des parties au contrat peut être remis en cause par le droit créé par les partenaires sociaux ? A l’inverse, comment faire comprendre le fait que le droit légiféré peut s’effacer par la volonté des parties au contrat ?

La question de la constitutionnalisation du droit du travail vient, en plus, bouleverser ce cadre, par l’intervention de différentes autorités (Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l’Homme) ou divers mécanismes (Question prioritaire de constitutionnalité, renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne).  

Raison n° 2 : Le droit du travail est constitué de nombreux textes de droit

L’épaisseur du code du travail (plusieurs milliers de pages), en tant que compilation des textes de droit (loi, règlement, décret), fait souvent l’objet de critiques, en ce qu’elle se traduit par un mélange assez lourd de complexité, lourdeur et incompréhension.

Pourtant, en réalité, le code du travail apparaît assez mince au regard de la diversité des textes de droit encadrant l’intégralité des relations de travail : convention collective nationale, convention de branche, accord d’entreprise, engagement unilatéral de l’employeur, usage, règlement intérieur, contrat de travail, jurisprudence…

Le praticien du droit du travail devra donc manier l’ensemble de ces textes en prenant la précaution de ne pas contrarier l’un avec l’autre, au risque de contrevenir à l’ordre public social et à la hiérarchie des normes en résultant.  

Tandis que le théoricien du droit du travail tentera de faire comprendre à son étudiant que cette accumulation de textes n’est pas forcément le gage d’une meilleure protection du travailleur, tant dans les conditions d’emploi qu’au regard de l’accessibilité à l’emploi.  

Raison n° 1 : Le droit du travail nécessite une bonne connaissance des autres domaines du droit

La pratique du droit du travail implique une connaissance prononcée des différentes compétences juridiques qui lui sont liées.

Ainsi le droit civil doit être maîtrisé : tant le droit des contrats (puisque le contrat de travail y est soumis), mais également le droit de la responsabilité civile délictuelle (en cas de responsabilité du commettant à l’égard de son préposé).

Tout autant que le droit civil, le droit pénal du travail occupe une place importante, et ceci tant par les infractions que peut commettre aussi bien le salarié (injure, diffamation, dénonciation calomnieuse, violences, vol, abus de confiance, infractions routières…) que l’employeur (harcèlement moral ou sexuel, discrimination, travail dissimulé, entrave aux institutions représentatives de personnel, emploi irrégulier de travailleur étranger…).

Le droit du travail impose également la maîtrise du droit international privé, dès lors que la relation de travail est empreinte d’extranéité (nationalité, lieu d’exercice, lieu d’embauche, lieu de résidence…), mais aussi du droit de l’Union européenne, à travers tant l’applicabilité des directives et l’application directe des règlements européens que la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne.

De manière plus récente, le droit du travail exige une connaissance plus prononcée de la procédure administrative, en ce que le contentieux du Plan de sauvegarde de l’Emploi est exclusivement confié au juge administratif.

Enfin, le droit du travail ne peut conjurer l’emprise que le droit commercial peut détenir sur lui lorsque l’employeur tombe sous le coup d’une procédure collective décidée par le tribunal de commerce : sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire. Le droit du travail devra alors respecter les principes résultant du code du commerce dans ce type de procédure.

Jérémy DUCLOS

Avocat 

Spécialiste en droit du travail


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