Présomption d’innocence et pouvoir disciplinaire de l’employeur

-

Face à l’enclenchement d’une procédure pénale à l’égard d’un salarié de l’entreprise, l’employeur peut être amené à prendre des sanctions disciplinaires, allant jusqu’au licenciement.

La question du droit à la présomption d’innocence se pose lorsque l’employeur sanctionne le salarié qui a été auditionné par les services de police sans faire l’objet de poursuite pénale.  

Le salarié qui n’a pas été poursuivi pénalement peut-il être licencié sur la base des faits portés à la connaissance de l’employeur au cours d’une procédure pénale ?

Dans un arrêt du 13 décembre 2017 (16-17.193), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le droit à la présomption d’innocence n’a pas pour effet d’interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d’une procédure pénale à l’appui d’un licenciement à l’encontre d’un salarié qui n’a pas été poursuivi pénalement.

Le droit à la présomption d’innocence, qui interdit de présenter publiquement une personne poursuivie pénalement comme coupable, avant condamnation, d’une infraction pénale, repose sur différents textes visés par la Cour de cassation : les articles 6-2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et 9-1 du code civil.

La Cour de cassation ajoute que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, de sorte que l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence lorsque l’employeur prononce une sanction pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale.

Par le passé, il avait été jugé que l’employeur n’est pas tenu d’attendre l’issue de la procédure pénale en cours pour notifier le licenciement (Cass. Soc., 26 janvier 2012, n° 11-10.479). La Cour de cassation décide donc de franchir un palier supplémentaire dans l’appréciation par l’employeur de la faute commise par le salarié.

En fait, le licenciement avait été prononcé sur la base du contenu du procès-verbal d’audition du salarié par les services de police. Le salarié n’avait pas été mis en examen et il n’a pas fait l’objet de condamnation dans le cadre de cette procédure (infraction à la législation sur les stupéfiants au sein du parc d’attraction Euro Disney).

Dès lors, le droit à la présomption d’innocence est insuffisant à démunir l’employeur de son pouvoir disciplinaire à l’encontre d’un salarié qui a été auditionné dans le cadre d’une procédure pénale, puis mis hors de cause à son issue.

La solution affirme très nettement le principe d’indépendance de la procédure disciplinaire à l’égard de la procédure pénale ce qui permet au juge du travail de garder son emprise sur l’appréciation des faits résultant de la relation de travail, abstraction faite de l’absence de poursuite du salarié sur le plan pénal.  

Jérémy DUCLOS

Avocat

Spécialiste en droit du travail

https://www.duclos-avocat.com/