Harcèlement sexuel en droit du travail et autorité au civil de la chose jugée au pénal

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Certains agissements au travail sont prévus et sanctionnés à la fois sur le plan civil, en application du code du travail, et sur le plan pénal, en tant qu’infractions délictuelles inscrites dans le code pénal (harcèlement moral ou sexuel, discrimination, travail dissimulé…).


Les interactions entre les procédures judiciaires civiles et pénales posent la question de l’autorité de la décision du juge pénal sur le juge civil, précisément dans le cas où la juridiction répressive déclare que l’employeur n’a commis aucune infraction pénale.

En droit pénal et en droit du travail, le harcèlement sexuel est défini de la même manière. Il est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante (art. 222-33 C. pén. et art. L. 1153-1 C. trav.).

Pour autant, la décision du juge pénal selon laquelle l’infraction de harcèlement sexuel n’est pas caractérisée à défaut d’élément intentionnel a-t-elle autorité sur la possibilité pour le juge civil de condamner l’employeur pour les faits de harcèlement sexuel ?

Dans un arrêt du 25 mars 2020 (18-23.682), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail, tels que définis à l’article L. 1153-1, 1°, du code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel de sorte que la décision de relaxe prise par le juge pénal, qui a constaté l’absence d’élément intentionnel, ne privait pas le juge civil de la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l’employeur.

Au soutien de son pourvoi en cassation, l’employeur a invoqué le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal en affirmant que le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action publique et de l’action civile, sur le fondement des articles 1355 du code civil et 4 du code de procédure pénale.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue, à l’égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé, sur le fondement de la combinaison des articles 1351 du code civil (actuel article 1355) et 480 du code de procédure civile.

Elle relève ensuite que le harcèlement sexuel en droit du travail, tel qu’il résulte de l’article L. 1153-1 du code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel, contrairement au délit pénal de l’article 222-33 du code pénal qui nécessite classiquement la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel pour qu’il soit caractérisé.

L’application qui est faite par la Cour de cassation du principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal ne surprend pas car le même raisonnement est retenu dans le contentieux du licenciement. Nonobstant la décision de relaxe intervenue en l’absence d’élément intentionnel, le licenciement peut être justifié dans la mesure où le salarié, sans avoir commis une infraction pénale, n’a pas respecté les instructions de son employeur (Cass. Soc., 14 novembre 1991, n° 90-44.663, sur la relaxe du chef de vol de documents appartenant à l’employeur).  
 

Jérémy DUCLOS
Avocat 

Spécialiste en droit du travail

https://www.duclos-avocat.com/ 
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